quarta-feira, 26 de setembro de 2007

André Gorz, filósofo




Mais uma vez recorro ao "Le Monde", transcrevendo novo texto de Michel Contat.



André Gorz, philosophe

LE MONDE | 26.09.07 | 16h49 • Mis à jour le 26.09.07 | 16h49





Le philosophe André Gorz et sa femme Dorine se sont suicidés ensemble dans leur maison de Vosnon, dans l'Aube. Lui avait 84ans, elle 83 ans, et souffrait d'une maladie évolutive extrêmement douloureuse.

Il avait pris une retraite anticipée du Nouvel Observateur, dont il était l'un des cofondateurs, et quitté Paris afin de mieux l'aider dans tous les actes de leur vie.


Dates
Février 1923
Naissance à Vienne (Autriche).

1946
Rencontre avec Jean-Paul Sartre.

1964
Participe à la fondation du "Nouvel Observateur".

1975
Publication d'"Ecologie et Politique".

24 septembre 2007
Mort à Vosnon (Aube).


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Le succès l'avait surpris pour son dernier livre, Lettre à D. (Galilée), où il disait à Dorine comment il en était venu à reconnaître son amour pour elle et à admettre que ce dernier était ce qui lui avait permis de construire une oeuvre. Cette oeuvre, assignée à la visibilité d'un seul nom, le sien, qui était un pseudonyme, il affirmait qu'elle résultait en réalité du dialogue permanent entretenu avec Dorine depuis qu'il l'avait connue, en 1947, à Lausanne.

Demi-juif autrichien, il s'y était réfugié après l'Anschluss et avait accompli des études de chimie. Elle était de nationalité britannique, ils se sentaient tous deux en Suisse des personnes déplacées, sans attaches autres que celles qu'ils créeraient ensemble dans un esprit de liberté et de fidélité à eux-mêmes.


AUTOANALYSE EXISTENTIELLE


De son vrai nom Gérard Horst, il était né à Vienne en 1923, d'un père marchand, juif, et d'une mère catholique. A Lausanne, il entreprit de se reprendre entièrement à son compte en lisant Paul Valéry et Jean-Paul Sartre essentiellement. Il avait si bien assimilé L'Etre et le Néant que lorsque Sartre vint en tournée de conférences avec Simone de Beauvoir, en 1946, il entama avec lui une discussion qui ne devait jamais cesser.

Il tirait de l'ouvrage sartrien des conclusions plus radicales que Sartre lui-même, concluant à la vanité de toute action. Sartre lui démontra que s'il pensait ainsi, c'était dû à sa situation. Gorz tenait pour une chance d'avoir rencontré avec Sartre une pensée ouverte, car, tenté par les systèmes, il se serait enfermé dans Hegel s'il avait commencé par lui.

Il se mit donc à écrire, dans la continuité de L'Etre et le Néant, un essai philosophique où il s'agissait de fonder une morale existentielle et des raisons d'agir. Encouragé par Sartre, il s'installa à Paris comme journaliste, vivant avec Dorine dans le dénuement et travaillant la nuit à son ouvrage. Elle l'aidait professionnellement en constituant une documentation qui, à Paris-Presse d'abord puis à L'Express de Jean-Jacques Servan-Schreiber et Françoise Giroud, permit à Gorz de prendre, sous le pseudonyme de Michel Bosquet, une place grandissante de journaliste économique.

Le contact avec les réalités sociales, la rencontre aussi avec Pierre Mendès France, lui firent aborder la politique par la voie de l'économie jointe à la philosophie. Sartre méconnut l'originalité de son essai philosophique, Gorz en fut ébranlé, il le rangea (Fondements pour une morale ne fut publié qu'en 1977) et il entreprit de se reprendre à zéro dans une audacieuse tentative d'autoanalyse existentielle. Ce fut Le Traître, en 1958, que Sartre préfaça par un texte éclatant. Le livre changea effectivement la vie d' André Gorz et de Dorine en les socialisant.


UNE AUTRE MONDIALISATION


Pourquoi les hommes acceptent-ils de vivre contre leurs désirs pour satisfaire aux besoins artificiellement suscités par l'économie marchande, au lieu de mettre les échanges au service de leur propre production en tant qu'êtres humains ? Cette question court sous toute la pensée philosophique sociale du XXe siècle et André Gorz la repensa en se fondant sur Marx, celui des Grundrisse, Sartre, celui de la Critique de la raison dialectique, Ivan Illich, celui de La Convivialité, mais aussi sur les travaux de Jean-Marie Vincent et d'intellectuels politiques comme l'Italien Bruno Trentin.

A partir de Stratégie ouvrière et néocapitalisme (1964), il devint une référence pour les syndicalistes indépendants, en Allemagne et dans les pays scandinaves plus qu'en France. Avec Adieux au prolétariat (1980), André Gorz prenait acte de l'invention d'une nouvelle socialité par des gens que la destruction progressive du salariat déclassait et précarisait.

Poursuivant conjointement la critique de la division du travail propre au capitalisme et la destruction de la planète par l'exploitation irrationnelle de ses ressources, il fondait l'écologie politique (Ecologie et politique, 1975 et 1978 ; Ecologie et liberté, 1977 ; Métamorphoses du travail, quête du sens, 1988).

Son dernier ouvrage théorique, L'Immatériel, traitait de l'indifférence de la science et du capital à toute fin humaine, et de la crise que la fissure de cette alliance provoquait.

Il s'intéressait à la nouvelle utopie dessinée par la pratique des "dissidents du capitalisme numérique", les hackers, déclassés volontaires qui mettent gratuitement en réseau leurs inventions libératrices. Se rangeant à l'idée d'un "revenu social garanti, inconditionnel et universel", il le voyait déboucher sur une société où la production de soi dans la convivialité avec les autres passerait avant la production de marchandises globalement déshumanisantes. Penseur d'une autre mondialisation, celle des inventeurs de vie, André Gorz reste un philosophe d'avenir.

Michel Contat

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